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    Traces de lumière*4*

    (suite) 

     

    Lundi 3 décembre 2007  -Rainer Maria RILKE, Lettres à un jeune poète  :

    L’œuvre de RILKE est une longue méditation sur les évènements essentiels de l’existence humaine. Il pense que l’homme séparé à jamais de toute plénitude est la créature la plus instable, la plus exposé qui soit. Dans lettres à un jeune poète paru après la mort de RILKE par Franz Xavier KAPPUS avec qui il avait correspondu, le poète y ouvre son cœur à quelqu’un qu’il ne connaissait pas pratiquement, avec une confiance et une justesse de ton qui ne peuvent nous laisser indifférent. Il y parle de la mort encore, mais aussi de l’amour, de la solitude et de la création, avec une profondeur qui fait encore de cet ouvrage une source où toute une jeunesse en quête d’une spiritualité sans dogme vient s’abreuver.  

    Voici quelques extraits : 

    « Une seule chose est nécessaire: la solitude. La grande solitude intérieure. Aller en soi-même, et ne rencontrer, des heures durant, personne - c'est à cela qu'il faut parvenir. Etre seul comme l'enfant est seul quand les grandes personnes vont et viennent, mêlées à des choses qui semblent grandes à l'enfant et importantes du seul fait que les grandes personnes s'en affairent et que l'enfant ne comprend rien à ce qu'elle font. S'il n'est pas de communion entre les hommes et vous, essayez d'être prêt des choses: elles ne vous abandonneront pas. Il y a encore des nuits, il y a encore des vents qui agitent les arbres et courent sur les pays. Dans le monde des choses et celui des bêtes, tout est plein d'évènements auxquels vous pouvez prendre part. Les enfants sont toujours comme l'enfant que vous fûtes: tristes et heureux; et si vous pensez à votre enfance, vous revivez parmi eux, parmi les enfants secrets. Les grandes personnes ne sont rien, leur dignité ne répond à rien.  

    [...] Cherchez en vous-mêmes. Explorez la raison qui vous commande d'écrire; examinez si elle plonge ses racines au plus profond de votre cœur; faites-vous cet aveu : devriez-vous mourir s'il vous était interdit d'écrire. Ceci surtout : demandez-vous à l'heure la plus silencieuse de votre nuit; me faut-il écrire ? Creusez en vous-mêmes à la recherche d'une réponse profonde. Et si celle-ci devait être affirmative, s'il vous était donné d'aller à la rencontre de cette grave question avec un fort et simple "il le faut", alors bâtissez votre vie selon cette nécessité; votre vie, jusqu'en son heure la plus indifférente et la plus infime, doit être le signe et le témoignage de cette impulsion. Puis vous vous approcherez de la nature. Puis vous essayerez, comme un premier homme, de dire ce que vous voyez et vivez, aimez et perdez. N'écrivez pas de poèmes d'amour; évitez d'abord les formes qui sont trop courantes et trop habituelles : ce sont les plus difficiles, car il faut la force de la maturité pour donner, là où de bonnes et parfois brillantes traditions se présentent en foule, ce qui vous est propre. Laissez-donc les motifs communs pour ceux que vous offre votre propre quotidien; décrivez vos tristesses et vos désirs, les pensées fugaces et la foi en quelque beauté. Décrivez tout cela avec une sincérité profonde, paisible et humble, et utilisez, pour vous exprimer, les choses qui vous entourent, les images de vos rêves et les objets de votre souvenir. Si votre quotidien vous paraît pauvre, ne l'accusez pas; accusez-vous vous-même, dites-vous que vous n'êtes pas assez poète pour appeler à vous ses richesses; car pour celui qui crée il n'y a pas de pauvreté, pas de lieu pauvre et indifférent. Et fussiez-vous même dans une prison dont les murs ne laisseraient parvenir à vos sens aucune des rumeurs du monde, n'auriez-vous pas alors toujours votre enfance, cette délicieuse et royale richesse, ce trésor des souvenirs ? Tournez vers elle votre attention. Cherchez à faire resurgir les sensations englouties de ce vaste passé; votre personnalité s'affirmera, votre solitude s'étendra pour devenir une demeure de douce lumière, loin de laquelle passera le bruit des autres. » 

     

     Lundi 10 décembre 2007  -Jules LAFORGUE, Le pierrot lunaire :

    La poésie de Jules LAFORGUE occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque le poète évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbitre, c'est en mettant en scène le Christ et un Pierrot désinvolte et raisonneur. 

    Ailleurs, la Mort - cette mort qui prendra le poète bien trop tôt et qui avait déjà emporté sa mère alors qu'il n'était qu'un adolescent - sera chantée en argot par un fossoyeur.  

    Dans les Complaintes ou dans ces Premiers poèmes que Laforgue voulait « philosophiques », la condition humaine est montrée dans ce qu'elle a de plus cru, de plus absurde : avec Résignation, le poète parle de notre vanité à laisser notre marque dans l'univers; dans Suis-je ?, LAFORGUE évoque le caractère éphémère de l'existence humaine en se demandant ce qu'étaient jadis les atomes composant maintenant nos corps, et ce qu'ils seront à l'avenir, lorsque nos êtres seront décomposés. Il n'y a plus d'ironie ici, plus de trivialités, mais seulement une angoisse mise à nue. 

    LAFORGUE est aussi l'un des inventeurs du vers libre. Il a senti la nécessité de libérer ses mots de toute contrainte; et cette nouveauté sera reprise, au XXe siècle, par Apollinaire, par Cendrars, en attendant les Surréalistes et presque tous les poètes contemporains.  

     

     Lundi 17 décembre 2007 -La symphonie pastorale de BEETHOVEN :

    La symphonie no-6 en fa majeur dite Pastorale de BEETHOVEN célèbre le combat de l’homme libre contre son destin et sa communion avec la nature.  Elle se développe en cinq parties illustrant chacune un épisode particulier de la vie champêtre : Eveil d’impressions joyeuses en arrivant à la campagne – Scène au bord du ruisseau – Réunion joyeuse de paysans- Orage, tempête – Chant des pâtres, sentiments de contentement et de reconnaissance après l’orage – BEETHOVEN exprime des impressions et des sentiments et il insiste sur le fait qu’il s’agit plus « d’expression du sentiments que de peinture. » 

     BEETHOVEN compose cette symphonie en 1808, il a 38 ans et sa surdité progresse inexorablement le plongeant dans un profond découragement qu’il combat en se jetant à corps perdu dans la création. 

     

     Lundi 7 janvier 2008 -Joseph HAYDN, La Création et les Saisons :

     Joseph HAYDN, inspiré par Le Messie de HAENDEL compose La Création- Cette œuvre religieuse lui permet comme il dit servir la seule gloire de Dieu conformément à ce qu’il ressentit comme une vocation tout au long de sa vie. Le livret est écrit par Gottfied Von SWIETEN qui se réfère à La Genèse et Le Paradis perdu du poète anglais John MILTON- Cet oratorio s’inspire des premiers vers de la Genèse, commencement de l’Ancien Testament. Tout au début de la Genèse, La Création relate les origines du monde, les débuts de l’humanité et comment Dieu organisa le chaos originel selon les religions judéo-chrétiennes. Cet oratorio pour trois solistes, soprano, ténor, baryton, chœur et orchestre comporte trois parties consacrées respectivement aux éléments de l’univers, aux êtres vivants (animaux et hommes), et au paradis terrestre. Les archanges Gabriel, Uriel et Raphaël racontent les six jours de la création du monde.

    Les Saisons est le dernier des grands oratorios de Joseph HAYDN. Il ne s'agit pas d'un sujet religieux mais plutôt d'une œuvre emprunte de symbolisme. Les différentes saisons peuvent être mises en correspondance avec les différentes périodes de la vie, L'œuvre résulte comme pour La Création d'un livret constitué par Gottfried Von SWIETEN pour être mis en musique  

    par HADYN. Le livret s'inspire du poète écossais James Thomson.
    Chaque saison est introduite par une pièce instrumentale, puis se succède une série de tableau alternant les différentes combinaisons : récitatif, air, duo, trio et chœur.
    Au cours des différentes saisons, des atmosphères particulières sont magnifiquement évoquées : Chœur des paysans, thème du laboureur, chœur de joie, lever de soleil, orage, chœur des fileuses, hymne à l'amour fidèle, chœur des chasseurs, vendanges, ambiance hivernale, voyageur d'hiver, mélodie populaire non dénuée d'humour sur une histoire entre une jeune fille et son seigneur, Prière quand arrive le dernier jour... 

     

     Lundi 14 janvier 2008 -Le radeau de la Méduse de Théodore GERICAULT :

     Sur la tombe du peintre GERICAULT, un bas-relief représente le Radeau de la Méduse.

    Le tableau reproduit une scène horrible. Une quinzaine d’hommes tente désespérément de survivre, sur un radeau fait de planches grossièrement assemblées par des cordes. La mer est démontée. La vie va-t-elle triompher ? 

    L’homme parviendra-t-il à dominer les éléments… et à déjouer son funeste destin ?  Lors de ma visite au Louvre, j’avais noté  « Le peintre montre les hommes du Radeau de la Méduse  dans leur nudité et leur détresse. Ces hommes sont l’image de la faiblesse de la condition humaine dans sa lutte contre les éléments naturels. Mais cette pyramide des vivants dressés sur les morts symbolise la victoire de l’homme grâce au courage et à l’espoir. »  A propos de son tableau, GERICAULT disait :  

    « Point minuscule du bateau sauveur, éclairé par un faisceau de  lumière venant de la gauche. Deux pyramides : l’une formée d’une grappe d’hommes, orientée vers la droite, symbolise l’espoir ; entraînée vers la gauche par le vent qui gonfle la voile, symbolise les éléments contraires.                                                                        

    Au premier plan : demi-cercle des cadavres. » 

     

      Lundi 21 janvier 2008 -Francis JAMMES, Clairières dans le ciel :

    Dans la préface de son recueil De l’angélus de l’aube à l’angélus du soir Francis JAMMES écrit : « Mon Dieu, vous m’avez appelé parmi les hommes. Je souffre et j’aime. J’ai parlé avec la voix que vous m’avez donnée. J’ai écrit avec les mots que vous avez enseignés à ma mère et à mon père qui me les ont transmis. Je passe sur la route comme un âne chargé dont rient les enfants et qui baisse la tête. Je m’en irai où vous voudrez, quand vous voudrez. L’angélus sonne. » 

    A propos de son recueil Le deuil des primevères,  le poète souligne que son recueil « est d’une forme et d’une pensée calmes parce que je l’ai surtout conduit dans une solitude où mes souffrances parfois s’apaisèrent. » 

    Suite à sa conversion au catholique faite sous la direction de Paul CLAUDEL, Francis JAMMES trouve dans le recueil Clairières dans le ciel, plus de gravité, pour exprimer sa foi. Le recueil comprend un ensemble de poésies intitulé Tristesses (qui parle d’un amour perdu)- un long poème en forme dramatique, Le Poète et sa femme, suivi d’un ensemble de poésies intitulé Poésies diverses. Des poèmes plus récents, En Dieu et L’Eglise habillée de feuilles, sont placés l’une en tête, l’autre à la fin du recueil, et une note indique qu’ils ont été écrits après le retour du poète au catholicisme. Pour Francis JAMMES, « Le poète est ce pèlerin que Dieu envoie sur la terre pour qu’il y découvre des vestiges du Paradis perdu et du ciel retrouvé. » Il précise « Tout le travail de Dieu en moi… a été de me détacher peu à peu de toute ambition, de m’éloigner de la vie moderne… J’ai donc dans cette solitude, tout le bonheur que l’on puisse souhaiter. » 

      

     Lundi 28 janvier 2008  -Arthur RIMBAUD, Une saison en enfer :
     

    Dans Une saison en enfer, Arthur RIMBAUD, exprime sa profession de foi dans une sorte de quête. Il parle de ses souffrances et de ses déceptions. Il s’en prend à la civilisation occidentale et à ses valeurs. 

    Le recueil commence par un moment idyllique de sa jeunesse : Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin où s'ouvraient tous les cœurs, où tous les vins coulaient". Après un Prélude où le poète annonce qu'il a failli devenir fou, qu'il a failli mourir aussi, Rimbaud retrace l'itinéraire qui l'a presque mené à sa perte. D'abord, dans Mauvais sang, il remonte jusqu'à ses ancêtres gaulois pour expliquer qu'il est issu d'une race esclave et que, né d'ancêtres qui ont couru les Sabbats et traversé l'Europe pour rejoindre les Croisades, l'ordre social lui a toujours été étranger. Le damné est représenté tour à tour en voyageur maudit, en forçat sur lequel se referme le bagne, en nègre soumis à la brutalité du colon, en recrue appelée à devenir chair à canon. Dans Nuit de l'enfer, d'abord intitulé Fausse conversion, Rimbaud regrette ne pas avoir assumé la part païenne de son héritage et d'avoir au contraire succombé au mysticisme chrétien. D'autres errements sont contés dans Délires. C'est à cette époque que le poète s'habitue à l'hallucination simple, qu'il trouva sacré le désordre de [son] esprit, bref qu'il exploita tous les sophismes de la folie -la folie qu'on enferme. Cette section d'Une Saison en enfer semble retracer l'expérience de la voyance. 

    Les quatre chapitres qui suivent présentent le retour progressif à la raison, cheminement tout de même interrompu par quelques mirages et quelques désespoirs. Dans L'Impossible, Rimbaud évoque tour à tour l'Orient et la science. Dans L'Éclair, tout rêve, tout mysticisme apparaissent vains, alors qu'avec Matin l'expression de l'espoir prend le dessus. Enfin, Rimbaud explique avec L'Adieu qu'il ne lui reste plus qu'à s'astreindre au travail: lui qui s'est dit mage ou ange, dispensé de toute morale, [il est] rendu au sol, avec un devoir à chercher, et la réalité rugueuse à étreindre! 

     

    Lundi 4 février 2008   -Paul VERLAINE, Romances sans paroles :

    Romances sans paroles est un court recueil de poésie, écrit par Paul Verlaine et publié en 1874 pendant son emprisonnement. Le titre Romances sans paroles se réfère à une œuvre pour piano composée par MENDELSSOHN et laisse entrevoir la nature essentiellement musicale des poèmes. Le terme Romances évoque une chanson sur un thème sentimental. L’expression sans paroles sans doute la recherche d’une poésie presque au-delà des mots. Elle devient chant de l’âme, respiration, murmure. Le recueil comprend quatre parties : 

    La première partie : Les ariettes oubliées, ce titre est emprunté à une œuvre de FAVART (auteur de livrets d’opéras comiques du 18ième siècle) –une ariette est une courte mélodie et chez VERLAINE, elle reprend ainsi les idées de brièveté et de simplicité. Et le mot oubliée représente pour le poète l’effacement progressif du souvenir dans la fuite du temps et de la conscience de soi dans le flux des impressions. Dès la première ariette on voit apparaître dans toute sa clarté une des principales originalités de la poésie de Paul VERLAINE : la fusion totale du poète et du paysage qu’il évoque dans la suggestion d’une impression de nature musicale. 

    La deuxième partie du recueil Romances sans paroles est consacrée aux Paysages belges qui retracent les étapes du voyage accompli avec Arthur RIMBAUD en Belgique. Dans les Paysages belges, le poète donne une dimension picturale à ses poèmes et ne se donne pas ici pour but de décrire le paysage mais simplement d’en suggérer les sensations. 

    La troisième partie du recueil qui a pour titre : Birds in the night qui signifie Les oiseaux dans la nuit, le poète se souvient de la brève visite de son épouse Mathilde à Bruxelles. Poème du souvenir et des reproches, mais le poème semble être tout de même teinté de regret pour cet amour qui n'est plus.  

    La quatrième et dernière partie, Aquarelles, est composée à la suite d'une séparation suivie d’une réconciliation avec Rimbaud : rappel de son séjour londonien. Alors qu'il hésite encore entre la volonté de se réconcilier avec Mathilde et l’inquiétude d’une relation amoureuse. Ce sont aussi des poèmes qui traduisent des impressions anglaises. Ils tissent une toile impressionniste qui semble être trouée littéralement par l’expression de la nostalgie et du désespoir. 

     

     

     

     


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